Diabolo fraise

À partir de 5 ans - Environ 11 minutes

Vignette Diabolo fraise Extra Diabolo fraise

À écouter

Lue par Joseph :
Lue par Marion :

À lire

Diabolo est un petit poney tout noir. Il est né et a grandi dans un immense pré vert, avec sa maman et d’autres poneys. Chaque semaine, une personne venait s’occuper d’eux. Elle remplissait l’abreuvoir et mettait du foin en hiver, avant de repartir. Diabolo était de nature timide et ne s’approchait pas trop. Il était heureux avec ses amis et pensait que tout resterait ainsi.
Jusqu’à un jour spécial, où sa vie a basculé.

Ce matin-là, des gens sont arrivés au pré avec la personne qu’il voyait d’habitude. Diabolo a été obligé à monter dans une grande caisse avec des roues. Sa maman n’a pas pu venir avec lui. On a fermé la porte et il s’est retrouvé seul là-dedans. Ça a bougé, ça a secoué, c’était bruyant. Quand il a enfin pu ressortir, il n’a plus rien reconnu : sa maman n’était plus là, ni son pré d’ailleurs. Le paysage était très différent.
Diabolo avait été vendu par son éleveuse et transporté en van. Il était arrivé dans son nouveau lieu de vie : un grand centre équestre où il allait devoir apprendre le métier de poney de club.

Dans ce nouvel endroit, il y avait des nouveaux chevaux, des humains pressés, un travail à apprendre ; et souvent, des gens partout, des enfants qui courent et qui crient, des chiens, des voitures…
Ce changement de vie radical a été très difficile pour un poney jeune, sensible et sauvage comme Diabolo. Sa maman lui manquait et il avait souvent peur.
La propriétaire du club avait besoin que Diabolo puisse rapidement transporter des enfants sur son dos. Alors on ne lui a pas laissé le temps de s’habituer à chaque nouveauté. Diabolo ne comprenait pas toujours ce qu’il devait faire et se faisait souvent gronder. On lui tirait sur le licol pour qu’il marche, sur les pieds pour qu’il les donne. On le brossait vite et fort même si ça lui arrachait les poils. On lui tapait sur les fesses, pour qu’il avance plus vite, ou plus droit. Diabolo était constamment bousculé et n’avait jamais son mot à dire. Il essayait de faire de son mieux, mais chaque jour était un peu plus difficile que le précédent.
Au manège, il avait peur de la poubelle et il avait peur du mur sombre. Chaque fois qu’il s’en approchait, il se faisait taper sur les fesses car on ne voulait pas qu’il ait peur. Du coup, forcément, il redoutait de plus en plus ces endroits-là.
Son inquiétude grandissante lui faisait faire, malgré lui, de grosses bêtises.

Une fois, il était attaché sur l’aire de pansage et il a vu soudain une forme sombre passer derrière lui. Il a repensé au dernier cours où la monitrice avait fait claquer sa cravache sur sa croupe, pour une raison qui lui était inconnue. Il a eu très peur et il a lancé les postérieurs sans réfléchir pour se protéger. Malheureusement, la forme sombre, c’était juste Mila, une petite fille du club. Elle venait brosser sa queue et n’avait pas pris soin de le prévenir de sa présence. Mila est tombée par terre et s’est mise à hurler. La monitrice est arrivée comme une tornade et Diabolo a été grondé et tapé sur les fesses.

Un autre jour, le petit Léo lui curait un pied. Diabolo a entendu un claquement comme un coup de cravache et a bondit sur le côté ! C’était juste un balai qui venait de tomber au sol, mais sans faire exprès, il venait d’écraser le pied de Léo en le bousculant. Léo s’est mis à pleurer et la monitrice est venue, furieuse. Elle a encore grondé et puni Diabolo.

Quelque temps plus tard, Diabolo marchait en longe à côté du jeune Lucas, pour aller dans le petit manège. Il sentait la peur l’envahir, car il pensait au mur sombre qui est toujours là, ainsi qu’à la monitrice et sa cravache. Le petit Lucas a trébuché, Diabolo a sursauté, et sans réfléchir il est parti en courant, arrachant la longe des mains de l’enfant. Le petit Lucas s’est mis à pleurer car son poney s’était échappé.
La monitrice est arrivée hors d’elle. Diabolo savait qu’il allait encore se faire taper sur les fesses alors il a essayé de fuir à tout prix les humains qui essayaient de le rattraper. Il a bousculé d’autres enfants, il a renversé la brouette pleine de grain.
Il a fini par se retrouver coincé dans un boxe. On l’a attrapé et on l’a tapé avec sa longe, avant de le ramener dans le petit manège.
Le petit Lucas n’avait plus envie de s’occuper de lui, les autres enfants non plus. Diabolo était malheureux car il avait peur et en plus, maintenant, il sentait la peur des autres autour de lui.

A présent, quand les enfants venaient le chercher au paddock, il ne voulait plus se laisser attraper. On lui courait après, on criait. La monitrice a fini par décider de l’enfermer dans un boxe. Diabolo était seul et ne sortait que pour travailler. Il ne voyait plus les autres poneys. Alors dans le manège, quand il se retrouvait avec eux, ils essayaient de l’embêter. Un jour, le poney Fringant a voulu le mordre : Diabolo est parti au galop pour se protéger. Il a doublé tout le monde et a fait tomber la petite Zoé, qui était assise sur son dos.
La monitrice a crié sur Diabolo et lui a tapé sur les fesses. Encore. Elle a crié : « Diabolo, tu portes bien ton nom ! Tu es un vrai diable ! ».

A partir de ce jour, Diabolo est resté longtemps dans son boxe. On ne venait même plus le chercher pour le faire travailler. Il a attendu, pendant des jours, jusqu’à ce fameux jour. Ce fameux jour de grand soleil, où les oiseaux chantaient.
Des pas se sont approchés du boxe. Comme à son habitude, Diabolo est allé se mettre dans le fond, craignant la visite désagréable du palefrenier ou de la monitrice. Il a entendu une voix dire : « Je vous le donne, c’est un vrai diable. On ne peut rien en faire, il est dangereux ».
Et une jeune fille blonde qu’il n’avait jamais vu, a passé la tête par-dessus la porte du boxe.
C’est ainsi que Diabolo a vu Aude pour la première fois.

Aude est entrée dans le boxe. Diabolo était vraiment inquiet. Qui était encore cette personne ?
Aude lui a parlé, elle était calme. Elle avait l’air… différente des autres humains qu’il avait côtoyés ici. Aude a laissé du temps à Diabolo pour qu’il la sente, pour lui mettre le licol, pour qu’il la suive et monte dans le van.
Diabolo s’est exécuté poliment mais il tremblait de la tête au pied : où allait-il ? qu’allait-on encore lui faire ?

La vie de Diabolo a alors complètement changé, une nouvelle fois. Aude l’avait adopté et ramené dans son club à elle. Un centre équestre où l’on respectait d’avantage les animaux, où on prenait soin de leurs particularités. Là, il a retrouvé un grand pré avec de nouveaux poneys. Certains avaient eu une vie bien plus compliquée que la sienne. Il s’est vite fait des amis. Il était si content de ne plus être enfermé seul dans un boxe.

Au début, quand Aude ou d’autres personnes arrivaient au pré, il ne suivait pas les autres poneys pour venir les voir. Lui, il partait à l’autre bout de la pâture ! Pendant des jours et des jours, il a fait ça. Et puis, petit à petit, il a moins ressenti le besoin de fuir. Il s’est retrouvé plus près de Aude, plus près des enfants. On ne lui demandait rien. On le saluait gaiement, on lui parlait gentiment. On lui envoyait parfois une carotte.
Petit à petit, le souvenir de la monitrice et de sa cravache est devenu moins présent. La peur que ressentait Diabolo a commencé à laisser place à la curiosité. Il a commencé à s’approcher des enfants avec les autres poneys. Il a commencé à venir sentir le pantalon de Aude. Elle a commencé à le toucher. Il a découvert que s’il était gêné, il pouvait partir sans qu’on le poursuive, et revenir sans qu’on ne le trahisse. Il a commencé à apprécier les caresses, les gratouilles et le plaisir d’une relation simple avec un humain.

Un jour, Aude est arrivée au pré et Diabolo a été le premier à venir à sa rencontre. Aude a senti qu’il était prêt. Elle lui a mis un licol tranquillement et ils sont sortis du pré tous les deux. Diabolo était un peu inquiet : et si tout redevenait comme avant ? Un petit manège, un mur sombre, des cris ? Des coups sur les fesses pour aller plus vite, plus droit, quoi qu’il advienne ?

Dans le rond de sable, les premières minutes, Diabolo a eu peur. Il a tiré sur la longe, il a bousculé Aude. Il ne comprenait rien et il essayait de fuir ses anciens fantômes. Il était trop stressé pour pouvoir penser. Mais il s’est rendu compte très vite qu’ici, il n’y avait pas de cris ni de coups à tout-va. Aude lui expliquait les choses avec calme, rigueur et simplicité. S’il se trompait, il avait le droit de réfléchir et de ré-essayer, jusqu’à ce qu’il fasse bien. Il avait des caresses, des friandises, à chaque bel effort. Petit à petit, il a appris qu’il pouvait s’exprimer. Qu’on allait tenir compte de ses peurs. Il a ré-appris complètement la relation aux humains et aux activités partagées.
Il a même commencé à travailler avec des enfants. Aude leur a expliqué : « Diabolo est un petit poney sensible, il faut être délicat avec lui ». Les enfants ont été doux et prudents et Diabolo a pris confiance.

La confiance… Jour après jour, elle a remplacé la peur et la solitude qui habitaient Diabolo depuis la séparation d’avec sa maman.
Sa grande sensibilité avait été un gros handicap pour lui depuis le début. Dans ce nouveau club, elle était mise en valeur : Diabolo était si attentif aux enfants, que c’était presque magique. La petite Emilie avait juste à penser qu’elle voulait s’arrêter, pour que Diabolo s’arrête. Antoine avait juste à regarder dans la direction où il voulait aller, pour que Diabolo tourne avec lui. Les enfants se sont mis à adorer Diabolo et Diabolo s’est mis à adorer les enfants. Bien sûr, parfois il avait encore peur ! Mais il se savait bien entouré et prenait désormais le temps de regarder et de réfléchir, au lieu de vouloir s’enfuir.

Un jour, la petite Lucie a demandé à Aude : « Il s’appelle Diabolo, comme un diable ? ».
Aude a répondu : « Mais non ! Il s’appelle Diabolo, comme un diabolo fraise ! Pour être délicieux, il faut avoir le bon dosage : juste ce qu’il faut de limonade, et juste ce qu’il faut de sirop de fraise. Pour Diabolo, c’est pareil : juste ce qu’il faut de respect, juste ce qu’il faut de confiance. Le tout servi dans un grand verre d’amour : c’est bien meilleur ! ».
Diabolo diable ou Diabolo fraise, au fond, le petit poney noir a toujours été le même. Ce qui a révélé ses qualités, ce sont la bienveillance, la patience, le respect qui lui ont été accordés. Parce que chaque personne, chaque être vivant est différent.
Grâce à Aude, Diabolo fraise est devenu le petit poney noir le plus talentueux du club… et surtout, le plus heureux !

FIN

Petit mot de l'auteure

L’histoire de Diabolo est destinée en particulier aux enfants qui montent à poney, aux centres équestres, aux personnes qui peuvent avoir besoin d’un support pour expliquer qu’un poney (ou tout autre animal) qui fait mal les choses, ne le fait pas volontairement. Que chaque animal est différent et qu’il faut respecter ces particularités et s’y adapter, au lieu de se battre contre avec violence. Que la confiance et le respect mèneront toujours plus loin que la peur et les punitions. Pour le prénom de Aude, je me suis inspirée de mon amie Aude Gasc, qui a créé un club d'équitation où la cavalerie est essentiellement composée de poneys et chevaux issus de sauvetages. Certains ont eu une vie bien difficile et cela ne les empêche pas de travailler avec plaisir avec les enfants et les jeunes, à pied, monté, sans mors, parfois sans selle... et tout cela, dans le respect, la compréhension et la bonne humeur.

Ces histoires sont inventées, écrites, illustrées et racontées par nous-mêmes : n'hésitez pas à nous faire un petit retour sur ce que vous avez aimé, ce qui vous a moins plu, ainsi que sur les réactions de vos enfants !

Si vous aimez ces histoires que je mets à disposition gratuitement, vous pouvez si vous le souhaitez, me faire un petit don facilement. Cela m’encouragera et m’aidera à payer l’hébergement du site, le matériel de dessin…

Bonne visite ! :)